Assouan au fil de l’eau : que voir, que faire ?

Assouan, c’est l’Égypte qui ralentit. Après l’effervescence du Caire et la splendeur de Louxor, nous arrivons à Assouan. Cette ville offre une nouvelle respiration : un Nil apaisé, des îles verdoyantes, des dunes dorées et une lumière qui semble peindre chaque heure d’un ton différent. Pourtant, derrière cette douceur se cachent aussi des histoires : celles des dieux antiques, des voyageurs romantiques, des écrivains européens et des Nubiens contraints de quitter leurs terres. Je vous emmène avec moi à la découverte de cette étape incontournable d’un voyage en Egypte

Mieux comprendre la Nubie et Assouan

Une frontière antique et stratégique

Assouan, nommée Swenett dans l’Antiquité, marquait la frontière sud de l’Égypte pharaonique. C’était le lieu d’où l’on contrôlait les échanges avec la Nubie, riche en or, ivoire, ébène et esclaves. Le Nil y franchissait la première cataracte, une zone de rapides et de rochers, ce qui en faisait une frontière naturelle autant qu’un poste de douane. L’île Éléphantine y jouait un rôle religieux et administratif majeur : on y adorait Khnum, dieu-bélier créateur, maître des crues du Nil, dont dépendait la fertilité de tout le pays.

La Nubie : alliée, ennemie, puis intégrée

La Nubie (région s’étendant du sud d’Assouan à Khartoum au Soudan) entretint une relation complexe avec l’Égypte. Tantôt ennemie envahie, tantôt alliée intégrée, elle a même dominé l’Égypte au 8ème siècle av. J.-C., quand les rois de Napata fondèrent la 25ème dynastie des pharaons koushites. Cette continuité historique explique l’héritage architectural et culturel de la ville d’Assouan. 

Le Nil, colonne vertébrale et enjeu moderne

Au 20ème siècle, Assouan devint un lieu clé pour la modernisation de l’Égypte. Le premier barrage d’Assouan fut inauguré en 1902, mais c’est le Haut Barrage (achevé en 1970 sous Nasser) qui changea radicalement la région. Ce dernier permit de réguler les crues, de produire de l’électricité et d’irriguer des terres agricoles. Mais il eut aussi un coût humain et patrimonial immense :

  • des dizaines de milliers de Nubiens furent déplacés, quittant leurs villages ancestraux ;
  • des sites antiques furent menacés par les eaux. Une campagne internationale menée par l’UNESCO sauva certains joyaux, comme le temple de Philaé (démonté et reconstruit sur une île voisine) et les colossaux temples d’Abou Simbel, déplacés pierre par pierre.

A lire : Faut-il vraiment visiter Abou Simbel ?

Un héritage historique

Aujourd’hui, visiter un village nubien ou naviguer autour des îles d’Assouan, c’est aussi entrer dans cette page de l’histoire de l’Egypte. Chaque dune, chaque vestige, chaque couleur raconte une Égypte qui n’est pas seulement celle des pharaons, mais celle d’un carrefour vivant entre le Nil, le désert et le reste de l’Afrique.

Que voir, que faire en quelques jours à Assouan ? 

Le temple de Philaé : un sanctuaire sauvé des eaux

À quelques kilomètres d’Assouan, le temple de Philaé, dédié à la déesse Isis, est l’un des sites les plus envoûtants de ce voyage. Édifié principalement sous les dynasties ptolémaïques (3è-1er siècle av. J.-C.), il devint un centre religieux majeur du culte d’Isis, déesse-mère et magicienne, dont l’influence s’étendit bien au-delà de l’Égypte jusqu’à Rome. 

Avec la construction du Haut Barrage, le temple fut menacé d’être englouti par les eaux du lac Nasser. Dans une opération spectaculaire menée par l’UNESCO, il fut démonté pierre par pierre et reconstruit entre 1972 et 1980 sur l’île voisine d’Agilkia, soigneusement modelée pour reproduire le relief originel.

L’accès au temple de Philaé se fait par bateau, ce qui ajoute une dimension unique à l’expérience. Le temple surgit des eaux, entouré d’une végétation verdoyante qui contraste avec les dunes arides toutes proches. Ses colonnades finement décorées, son kiosque de Trajan et ses bas-reliefs racontent des siècles de dévotion à Isis, et rappellent aussi le rôle de la région d’Assouan comme porte d’entrée vers l’Afrique noire. 

A lire : Le culte d’Isis à Philaé, la fin d’un monde antique

Les îles au large d’Assouan, entre mythes et botanique

L’île Éléphantine, berceau d’Assouan

Cette île est l’un des lieux les plus anciens habités en Égypte. C’était la première frontière sud du pays pharaonique, porte d’entrée de la Nubie et poste de douane stratégique. Les temples dédiés à Khnum sont aujourd’hui en ruines mais rappellent son rôle fondateur. L’île marquait la limite entre deux mondes, celui de l’Égypte et celui de l’Afrique noire.

L’île de Kitchener, un jardin venu d’ailleurs

Offerte à Lord Kitchener à la fin du 19ème siècle, cette île fut transformée en jardin botanique. On y acclimata des espèces venues d’Inde, d’Asie et d’Afrique tropicale. Aujourd’hui encore, les allées ombragées et verdoyantes contrastent avec les dunes arides tout autour. Pour les Égyptiens, c’est une parenthèse de fraîcheur. Pour les voyageurs, un rappel : Assouan a toujours été un carrefour, une porte ouverte sur le monde. Après la poussière des temples et des déserts, cette verdure propose une ambiance différente et reposante à notre voyage.

Une balade en felouque sur le Nil

Pour approcher les îles, je vous conseille d’embarquer à bord d’une felouque, un voilier poussé par le vent et sans moteur pour une expérience emblématique d’Assouan. Ces voiliers authentiques sont héritiers d’un savoir-faire ancien. Assis à bord, on découvre un Nil vivant où le clapotis de l’eau, le grincement du bois, les bruits de la faune endémique se mêlent au calme de cette balade. 

Depuis la felouque, on aperçoit également des dunes de sable qui descendent jusqu’à la rive, parfois ponctuée de quelques palmiers solitaires. C’est une Egypte différente de celle des pyramides : une Egypte nature et minérale, qui se contemple plus qu’elle ne se visite. 

Sur les rives du Nil, un âne descend s’abreuver. Plus loin, un buffle patauge dans l’eau. Dans le ciel, on aperçoit des hérons cendrés, des martins-pêcheurs, parfois même des ibis. Entre les rochers, des amphibiens se reposent, et au crépuscule il paraît que les chauves-souris se prêtent à quelques vols nocturnes. Cette faune rappelle que le Nil est bien plus qu’un fleuve : c’est un véritable milieu de vie pour nombre d’espèces.

Découvrir un village nubien

Un détour immanquable d’Assouan mène vers un village nubien, souvent accessible par bateau. Les maisons peintes de bleu, d’ocre et de rose s’ouvrent sur des cours décorées de fresques représentant crocodiles, palmiers et motifs géométriques. Bien qu’une grande partie des terres nubiennes furent englouties sous le lac Nasser, les nubiens ont su conserver leur identité : hospitalité, artisanat, musique rythmée et architecture reconnaissable. 

Sur les hauteurs : mémoire et littérature

Dominant le Nil, le mausolée de l’Aga Khan se pare de jolies teintes sablées. Construit en 1959, il abrite la dépouille du 48ème imam ismaélien. Chaque jour, sa veuve, la begum, fit déposer une rose sur la tombe, un rituel de fidélité devenu une légende romantique.

Non loin, l’Old Cataract Hotel, fondé en 1899, reste une icône. Dans ses salons victoriens, Winston Churchill, Agatha Christie ou encore le tsar Nicolas II ont séjourné. Christie y trouva l’inspiration pour Mort sur le Nil. Aujourd’hui, on peut encore y prendre un thé en contemplant le fleuve, avec l’impression de croiser les fantômes des grands voyageurs.

Le coucher de soleil sur le Nil

Quand le soleil descend derrière les dunes, Assouan offre son moment de grâce. Le sable devient orangé, les palmiers se découpent comme des ombres chinoises, et le Nil se colore d’un bleu profond. Chaque soir, on assiste à un spectacle simple mais pourtant inoubliable depuis notre bateau de croisière, qui ancre Assouan dans la mémoire peut-être bien plus que ses monuments.

A lire : Dormir sur le Nil : récit d’une croisière entre rêve et réalité

Conseils pratiques

  • Durée idéale : prévoir 2 jours pour profiter d’Assouan et de ses environs.
  • Balade en felouque : privilégier tôt le matin ou au coucher du soleil. Compter environ 4-5 euros selon la durée et le nombre de personnes.
  • Îles : facilement accessibles en bateau ; possibilité de regrouper Éléphantine et Kitchener en une demi-journée.
  • Village nubien : accessible via une excursion en bateau (2-3h).
  • Old Cataract Hotel : accessible même sans y loger ; thé de l’après-midi ou apéritif au coucher du soleil.
  • Climat : octobre à avril, idéal. En été, chaleur étouffante.

Assouan n’est pas un musée à ciel ouvert comme Louxor, ni une capitale trépidante comme Le Caire. C’est une parenthèse nature, un lieu où l’on prend le temps de respirer et de regarder le Nil vivre. Les îles, les dunes, les villages nubiens et les couchers de soleil tissent une expérience qui relève plus du ressenti que de la simple visite. Assouan se contemple au fil de l’eau. Et c’est sans doute pour cela qu’on y revient, en pensée, bien après avoir quitté ses rives.

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